Kim est venue nous rendre visite il y a un peu plus d’une semaine ; on en a profité pour se faire une virée à deux à l’inévitable mais non moins splendide Machu Picchu. Ce fut l’occasion d’être témoin du mouvement indigène qui paralyse depuis deux mois l’Amazonie péruvienne, suite aux violations répétées des droits des indigènes (droits qui ont valeur constitutionnelle, car ils figurent dans la Convention 169 de l’OIT signée par le Pérou). Un peu de lumière sur une mobilisation qui commence à se faire entendre en France.
Aguas Calientes, Pérou, 26 mai. Ce village est la porte d’entrée du Machu Picchu, site le plus touristique du pays. Train à l’ancienne, restaurants typiques, boutiques de souvenirs et cartes postales : nous sommes dans le sanctuaire du tourisme péruvien, foulé quotidiennement par des milliers de visiteurs.
Après l’obligatoire visite du Machu Picchu, nous voilà attablées avec une amie à une terrasse de restaurant, quand fait irruption un groupe de natifs de l’Amazonie péruvienne, affublés de plumes, de lances… et de pancartes en anglais ! Les « Non à l’exploitation des natifs d’Amazonie » en anglais se mêlent aux « Ils nous prennent notre eau, on leur prend le Machu Picchu » en espagnol. Curieux spectacle pour des touristes qui n’ont pas nécessairement pris le temps de se renseigner sur l’actualité politique avant de s’envoler pour le Pérou. Alors forcément, quand les manifestants décident de bloquer la voie ferrée, principal moyen d’accès à Aguas Calientes, ça ne plaît pas aux voyageurs pressés.
Voilà deux mois que les indigènes de l’Amazonie péruvienne sont en grève, bloquant les moyens de transports et l’activité économique de la région. Deux mois que les indigènes veulent se faire entendre par le gouvernement et l’opinion nationale, deux mois que les préjugés de la presse entachent le traitement médiatique du mouvement, deux mois que l’Etat s’enfonce dans la répression physique et refuse le dialogue.
Vendredi dernier, le conflit a passé une nouvelle étape, les hélicoptères ayant fait irruption à Baguas, où la police et l’armée ont entrepris de déloger avec force les bloqueurs, plusieurs milliers d’indigènes originaires de communautés principalement Aguajún. Difficile d’accéder à des informations fiables, les grands médias se contentant de la version des autorités gouvernementales. Ils annoncent une vingtaine de victimes suite à la répression du mouvement et aux représailles des Aguajún ; mais selon les journalistes et organisations présents sur les lieux, elles s’estimeraient à plusieurs centaines. On commence à parler de corps brûlés ou retrouvés dans les cours d’eau ; triste répétition de l’histoire…