Archives de Catégorie: Quotidien liménien

Hora Peruana : Ahorita señorita!

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Heure péruvienne : phénomène généralisé d’altération de la notion du temps; se manifeste par une ignorance du temps qui s’écoule et entraîne de nombreux retards qui n’en sont même plus.

Difficile de passer à côté de ça après trois mois à la fac de Lima. Les retards en cours sont la règle. Maintenant, quelques profs excédés ferment la porte après les dix minutes de tolérance, tellement coutumière qu’elle en est devenue réglementaire (« Mais Monsieur, j’ai que 5 minutes de retard, après les 10 premières minutes! C’est mon droit d’être en retard! »). Mais dans la plupart des cours, des élèves arrivent souvent avec 1h de retard, en grappes de dix, sans que le prof ne moufte. C’est que lui-même a parfois 20 minutes de retard systématique.

Alors bon, pas le choix, on s’adapte, et on apprend à traduire le « ahorita* » en « te presse pas, ça viendra »!

*diminutif de ahora, maintenant.

El país de las maravillas

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Nous sommes un vendredi, 23h30. De retour d’un voyage expéditif a Chincha, on cherche a aheter quelques bouteilles pour feter nos retrouvailles a Lima, dans ce chic apparement de Miraflores ou vit Omar, le coordinateur social de Chincha. Probleme: au-dela de 11h30, il est interdit de vendre de l’alcool a Lima. Probleme ? Comme dit Omar, ici c’est le país de las maravillas. Il a suffi de chercher un petit peu pour trouver une boutique specialisee dans la vente de liqueurs, qui semble ouverte en permanence et distribue sans gene ses aimants publicitaires, pour qu’on ait tous sur notre frigo le numero a appeler quand, en pleine nuit, on se retrouve en rade d’alcool.

Au Perou, les normes peuvent sembler rigides. Pas de vente d’alcool au-dela de 23h30, week end compris ; amendes de 150 soles pour laisser des ordures dans la rue a plus de 500 pour y pisser ; interdiction de fumer dans tous les etablissements publics, y compris bars de toutes sortes et campus universitaires , etc. etc. Pour s’accomoder de cette rigidité, pas d’autre choix que de se la jouer a la peruvienne : faire comme si on ignorait la norme. Fumer ouvertement devant un des innombrables vigiles de la fac, tant qu’on a une tete de gringo qui ne connait probablement pas ce nouveau decret paru en juillet 2008, et no pasa nada ! Sur(e) de soi, aller a la petite cabane de la fac de sciences sociales qui ne vend que des gateaux et des fruits, et lui demander comme si de rien un paquet de clopes, et hop, dans la poche. Ou bien payer le flic qui a pris la main dans le sac nu pauvre poivrot en train de soulager sa vessie, discretement pensait-il, derriere un lampadaire, et voila affaire reglée (non non, tout ca ne m’est pas encore arrivé!).

L’informel s’étend bien sur au marché, et le Pérou est souvent décrit comme le pays de la piraterie en Amérique latine. Les livres « de poche » (concept bien francais, d’ailleurs on ne trouve dans les rayons « livres de poches » que des bouquins francais, et pas forcement de poche) qui coutent plus de 70 soles, soient plus de 15 euros, et les manuels qui atteignent les 150 soles, ne rentrent bien sur pas dans les budgets serrés du « Péruvien moyen ». La solution, photocopier intégralement le livre, par exemple. Pour les dvd et les cd, c’est pareil : l’industrie de la copie illégale est en pleine effervescence, et on peut trouver n’importe quel film tourné en Biélorussie par un réalisateur croate en 1937 pour 10 soles a Polvos azules, le supermarché de l’informel.

Apres Alice au pays des merveilles, Doris en el país de las maravillas!

Et la gastronomie dans tout ça??

Hier a été un grand moment de bonheur. Je bénis les parents d’Antoine, qui ont eu la bonne idée de lui envoyer un colis sacré: fromage du Nord, saucisse sèche du Sud-Ouest, tout ça accompagné d’un petit vin d’Argentine (c’est bien beau la technologie, mais tant qu’on aura pas trouvé le moyen de faxer un bonne bouteille de vin français…), l’apéro dont je rêvais depuis longtemps (la prochaine fois, pastis!).

Mais bon, le fromage, le vin, les apéros, à la santé du colonel, tout ça tout ça, vous connaissez déjà. Par contre, un grand vide dans tout ce que j’ai pu écrire jusqu’ici: la bouffe péruvienne. Pourtant, les quelques kilos gagnés depuis mon arrivée attestent que, pas de surprise, je m’adonne régulièrement à l’étude de la culture du pays  via l’ingestion hebdomadaire et en quantité de plats péruviens. il s’agit donc de réparer cette erreur, au moins rapidement.

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Tout le monde il est beau… surtout a la Católica?!

A 10 240km et quelques 22 heures de vol (plus avec Air Comet!) de la rue Saint Guillaume, on ne s’attendrait pas a retrouver l’ambiance pipotarde. Ce n’est effectivement pas le cas, mais la Catolica semble, comme Sciences Po, une petite bulle coupee du reste de la societe; sauf que le contraste est plus marque.

Combien de fois, marchant dans la rue, on ne nous a pas dit de garder nos sac-a-dos devant (et non sur notre dos), pour eviter que les pick-pockets ne se servent dedans. A l’interieur, proteges par des murs, des barbeles, et des gardes a chaque entree qui verifient nos cartes d’etudiants systematiquement, on peut laisser en (quasi) toute confiance nos affaires sur le campus sans crainte d’etre detrousses. Les velos ne sont souvent pas attaches, les sacs gardent des places dans l’herbe sans leur proprietaires, etc.

Dehors, l’acces a la sante est un parcours du combattant. Un service d’attention aux patiens qui se degrade pour limiter son cout, un systeme de sécu sociale peu enviable pour un Francais, des soins qui coutent les yeux de la tete ou des dispensaires populaires aux conditions sanitaires degueulasses… A cote de ca, la Catolica offre a ses eleves des consultations aupres de medecins generalistes gratuites, des examens pour tel ou tel depistage, des vaccins et autres consultations de specialistes.

Lima, c’est (relativement) crade, et surtout bruyant et pollué. Le campus est vert, fleuri, parfois meme ensoleille, les oiseaux chantent, des biches se courent apres sur la pelouse et des ecureuils traversent ingenuement les allees (je n’exagere rien).

Et quand on gratte cette facade onirique aux allures de dessins animes Walt Disney? Pour le peu que j’en sais, on trouve parfois des realites moins joyeuses en lien avec la societe et l’histoire peruviennes. Des etudiants originaires des pueblos jovenes, qui doivent se taper une heure et demie – deux heures de combi pour acceder jusqu’a la fac… ou des Peruviens dont les parents ont ete tues, soit par le sentier lumineux, soit par l’armee. Des petits « details », comme ca, pour nous rappeler que la Catolica a beau accueillir des etudiants a la culture manifestement occidentale, du genre slim-ipod-meche, ou dreads-baggy-petards, le Perou laisse des traces qui la differencient de n’importe quelle fac europeenne ou americaine.


Entre brume et bitume… los microbuses!

Définition du Routard: « Les microbus (micro): fonctionnent de 5h à minuit. Le prix est le même, quelle que soit la longueur du trajet (1NS, soient 25cts d’euros). Faire gaffe aux pickpockets, mais c’est le meilleur moyen de se mêler aux locaux ».

Ca sonne plutôt bien comme ça. Mais quand le Français lambda débarque à Lima pour la première fois, il n’a qu’une peur, c’est d’être un jour obligé de grimper dans cette chose bondée et zigzaguant entre les taxis à toute vitesse, qu’on appelle micro…Mais pourquoi a-t-on peur?

1- C’est dangereux. Les chauffeurs vont à fond, se glissent d’une file à l’autre en dédaignant l’usage du cligno, pilent dès qu’un passager veut monter ou descendre (mais ne pilent qu’à moitié, ce qui fait qu’il faut un certain entraînement avant de pouvoir passer du véhicule au trottoir et inversement), pour repartir en trombe juste après.

2- C’est agressant. En plus d’un chauffeur, un type agrippé à la portière hurle des choses incompréhensibles tout en tapant sur la paroi pour faire comprendre aux pauvres piétons qu’ils doivent absolument monter, mais si si, c’est votres destination, croyez-moi.

3- C’est incompréhensible. D’arrêts de bus, de distributeurs automatiques, d’horaires, point. Et la destination, vaguement indiquée sur l’avant du bus (la destination finale, en tous cas), se devine surtout, pour une oreille exercée, dans les onomatopées du type qui crie. Ce sont essentiellement des noms d’avenue; il faut donc connaître le plan de Lima pour pouvoir s’y déplacer.

 

Mais bien évidemment, ça serait dommage de s’arrêter à ces quelques considérations occidentalo-centrées. C’est pourquoi, prenant mon courage à deux mains, j’ai enfin décidé de grimper dans ce truc roulant (et seule, qui plus est!). Bilan?

Bon, c’est presque aussi incompréhensible que ça en a l’air; mais les grands axes, au bout d’un moment, on commence à les connaître. Ca reste aussi assez dangereux. La preuve, les journaux consacrent tous les jours plusieurs pages alarmistes à la sécurité routière; apparemment, on compte 28 000 accidents (mortels??) sur les routes liméniennes par an. Mais finalement, le « crieur » (j’ai pas encore trouvé le terme technique pour désigner cet être gesticulant) n’est pas si méchant qu’il en a l’air. Il respire, boit les inka kolas et mange à la manzana les gâteaux échangés contre 1NS par des vendeurs ambulants qui transitent de micro en micro, il parle de façon plus compréhensible quand on est à l’intérieur, et le mien, je l’ai même vu rire de façon tout-à-fait humaine!

Bref,  coincée entre un travailleur qui rentrait chez lui et une étudiante relisant ses cours, essayant tant bien que mal de ne pas être éjectée de ce qui me servait de siège, je me serais presque sentie Liménienne, si ce n’avait éte ces regards curieux qui convergeaient vers moi par moments, du genre, « qu’est-ce qu’elle fout là celle-là?! ».

Nuage jaune est dans les nuages

« C’est gris ». Trois mots qu’on va quotidiennement lâcher avec découragement, jusqu’à s’y habituer.

Deux jours à Lima, deux jours dans le coton.

Deux heures après avoir quitté Quito (ça sonne tellement bien), l’avion survole Lima. Ah bon? C’est ça Lima? Car en dessous de nous, on peut tout juste distinguer une mer de nuages, uniformément blancs. A peine le temps de faire nos adieux au soleil, et hop, de l’autre côté de cette barrière de coton, plus de soleil.

Atterrissage dans les nuages, donc. Dans tous les sens du termes: jetlag plus brume propre à cette ville coincée entre mer et montagnes, on évolue dans le brouillard le plus complet. Une nuit reposante plus tard: c’est gris. On appelle ça la garúa, une brume très fine qui persiste une bonne partie de l’année aux abords des côtes. Au moins, pas la peine de consulter la météo, aucune surprise concernant le temps: cette brume reste accrochée a la ville tout l’année, sauf aux mois de janvier, février et mars. Les mêmes mois que ceux de nos grandes vacances. Les seuls mois pendant lesquels on ne sera quasiment pas à Lima. Youpi!

Mais bon, pour compenser, Lima propose d’autres joies, qu’il va falloir apprendre à connaître.

Déjà, certaines rues de la ville offrent à nos yeux un assortiment de couleurs qui réchauffent le coeur. Bleu, rouge, vert, ocre, marron et bien sûr jaune, les Liméniens ne sont pas fous: s’ils peignaient leurs baraques en blanc, on ne les distinguerait plus du ciel…

Ensuite, l’Inka Kola. Boisson qu’on dirait faite à base de chewing gum (pour le goût) et de pisse radioactive (pour la couleur). Imbuvable pour moi. Fierté nationale pour les Péruviens. C’est que ni Coca, ni Pepsi, leaders sur le marché du soda de la plupart des pays, ne sont arrivés à détrôner cet étrange breuvage qui reste, au Pérou, la boisson gazeuse la plus consommée. Autant dire que son jaune fluo ravive à tous les coins de rue l’atmosphère un peu morose de Lima.

Et puis il y a une autre astuce pour faire abstraction de ce gris perpétuel: sortir de nuit, où tout est éclairé, et où le gris-blanc uniforme cède sa place à un gris-bleu-noir tout aussi uniforme!